La musique peut-elle booster nos performances ?
On ne le sait que trop bien, les atouts de la musique sont nombreux. Elle motive, elle apaise, elle inspire, on l’écoute au gré de nos humeurs et au fil de nos activités, tant dans les transports que sous la douche ou au sport.
Mais s’il y a bien un endroit, et un moment où son utilisation divise, c’est au travail. Faut-il ou non bosser en musique ? Les débats sont ouverts : quand certains ne peuvent se passer de leur casque en travaillant, pour d’autres, il est impossible de se focaliser sur une tâche avec des notes dans les oreilles.
Certes, le sujet reste avant tout une question de sensibilité personnelle, mais à l’issue de nombreuses expériences scientifiques sur la question, les résultats sont sans appel : la musique agit sur notre cerveau, et peut jouer un rôle sur nos performances mentales et notre productivité.
Pour mieux décrypter ce vaste sujet, nous avons croisées différentes recherches et études scientifiques, avec l’expérience personnelle et quotidienne de personnes que nous avons interrogées.
Dans ce cadre, Elisa V. et Maxime M. ont répondu à quelques questions sur l’utilisation et l’impact de la musique sur leur travail. Ils ont deux profils assez différents : Elisa n’écoute pas beaucoup de musique de manière générale, et elle est freelance en communication/ marketing et travaille majoritairement de chez elle et au rythme qu’elle souhaite.
Maxime, quant à lui est un gros consommateur de musique, et travaille comme concepteur rédacteur dans une agence de pub, en open space, souvent dans l’urgence et sous la pression ! Nous retrouverons leurs réponses au fil de l’article, ce qui nous permettra de comprendre en quoi, concrètement la musique peut nous booster au quotidien.
Alors, phénomène surnaturel que ce dopage musical potentiel ? Pas tellement, c’est plutôt logique en fait, quelques points clés :
La musique influence notre humeur
Si le « circuit de la récompense » s’active lorsque l’on mange quelque chose qu’on aime ou qu’on pratique une activité qui nous plait, notre cerveau va libérer le neurotransmetteur de la dopamine de la même manière lorsqu’on écoute une musique qu’on apprécie. Celui-là même qui procure la sensation de plaisir et permet de réduire le stress et l’anxiété.
Des chercheurs en sciences cognitives se sont penchés sur la question de l’action neurochimique de la musique et ont démontré dans une étude que l’écoute pré-opératoire par des patients d’une mélodie bien choisie avait de meilleurs effets sur la réduction de leur anxiété que la prise d’anxiolytiques !
Alors oui, écouter de la musique peut booster le mood – on s’en doutait – mais d’autres analyses démontrent que cette action bénéfique va encore plus loin que la diminution de ressentis négatifs tels que le stress ou la pression : utilisée à bon escient, la musique peut réellement permettre de décupler nos capacités.
En effet, le schéma est simple : écouter un son continu permet à notre cerveau de rester constamment en alerte puisque plusieurs de ses zones vont être sollicitées et stimulées en permanence. Il s’agit principalement des régions liées à l’apprentissage et à la mémorisation, comme l’hippocampe, ce qui permet aux circuits de la mémoire de travailler continuellement. Les tâches intellectuelles nous paraissent ainsi moins fatigantes puisqu’elles requièrent l’utilisation d’une moins grande quantité d’énergie de départ pour le cerveau, par rapport à un moment où celui-ci serait « au repos ». Même principe qu’au démarrage d’une voiture par exemple !
L’une des premières études concrètes sur l’effet positif de la musique sur nos capacités au travail a été faite en milieu ouvrier, par deux chercheurs : J.G. Fox et E.D. Embrey (Music – an aid to productivity, 1972). Alors certes, le résultat avait à l’époque été constaté sur les tâches répétitives d’une chaine de production, mais pourtant, quel que soit le milieu professionnel, et le niveau d’intensité de la concentration ou de la réflexion, il y’aura toujours une musique adéquate qui permettra d’amplifier son potentiel à un instant T. Une étude plus récente de PRS for Music a notamment démontré que 88% des participants à un test de maths et d’orthographe avaient eu de meilleurs résultats en le passant en musique. L’effet s’est vérifié sur leur rapidité, leur concentration et leur enthousiasme !
On observe d’ailleurs ces dernières années, l’éclosion de nouvelles disciplines et thérapies de relaxation par la musique, c’est le cas notamment des ateliers de « Sound Healing » ou Sonothérapie, dont les premiers instituts qui enseignent cette discipline ont vu le jour dans le monde anglo-saxon, et qui s’exporte peu à peu. Il s’agit d’un ensemble de techniques, pratiquées dans le cadre d’une thérapie ou d’une démarche personnelle visant à se détendre et se ressourcer, qui utilisent les vibrations sonores émises par certains instruments tels que les gongs, les diapasons, les bols tibétains ou encore tout simplement la voix.
Zen-and-Sounds est l’un des premiers centres qui pratiquent le sound healing à avoir ouvert ses portes en France, et Ely Goa, l’une des co-fondatrice et thérapeute souligne d’ailleurs le fait que la science commence à s’intéresser aux liens entre le bien-être et les vibrations, à travers certaines études, ou essais. Depuis 2011, le CHU de Saint-Etienne par exemple, utilise les vibrations et la sonothérapie pour soutenir et améliorer le bien- être des patients en soins palliatifs.
En effet, la clé, ce sont les vibrations : pour bien comprendre l’action de ces sonorités, il faut savoir que le corps émet un champ électromagnétique, qui est lui-même source de vibrations. Ainsi, l’ensemble de notre corps, nos cellules, nos organes, vibrent continuellement.
Les vibrations peuvent être « positives » ou « négatives » sur le cerveau, et leur fréquence est notamment perturbée lorsque nous sommes face à un stress, des tensions, ou encore malades.
Les sons, dits « cohérents », des instruments thérapeutiques ont quant à eux des fréquences spécifiques qui peuvent entrer en résonnance avec les vibrations de notre corps, et ré-harmoniser l’ensemble grâce à un conducteur bien précis : l’eau.
Et oui, notre corps étant constitué en majorité d’eau, cette dernière permet une diffusion optimale des vibrations à travers nos cellules, permettant ainsi de former une sorte de « chemin » rapide pour mettre notre cerveau en pause, ou plutôt à l’état méditatif. C’est ce phénomène qui permettrait, selon certaines études, de lutter notamment contre le stress, ou contre certains maux et inflammations, grâce à un effet profondément apaisant.
Elisa, qui travaille en freelance et, la majorité du temps, depuis son domicile ou des cafés, nous explique qu’où qu’elle soit, si elle a besoin d’être ultra focus et ultra productive pour finir une tache, elle a un moyen infaillible : la musique de concentration, presque totalement monotone. Selon elle, l’effet sur le cerveau est immédiat, même quand ce dernier est en surchauffe : « les sonorités agissent comme une onde qui m’apaisent et me font oublier le reste instantanément ».
Voici la vidéo qu’elle met le plus souvent, testée et approuvée :
Music is dope
Ainsi, que ce soit comme un anxiolytique naturel ou comme un réel dopage intellectuel, on l’a vu, la musique agit sur le fonctionnement du cerveau. Mais attention, le corps n’est pas en reste : elle peut permettre également d’augmenter notre jauge énergétique et nos performances physiques ! On s’en doute, il ne s’agit évidemment pas dans ces cas là d’écouter une berceuse, mais l’écoute active d’une musique au rythme soutenu permettra de minimiser l’ennui : elle aura tendance à retarder la fatigue, en augmentant notre capacité à faire un effort soutenu plus longtemps et plus intensément. C’est en effet ce que nous explique Maxime : pour booster ses performances physiques et relâcher la pression du boulot, il a des playlists de sport ultra dynamiques : rap, EDM, rock, uniquement des sons motivants, puissants, à l’écoute active et aux rythmes élevés. La musique rend également les tâches répétitives plus agréables, car moins ennuyeuses. Logique finalement, quand on pense que seule une bonne playlist peut nous faire danser toute une nuit.
Ce n’est d’ailleurs pas anodin si la FFA (Fédération Française d’Athlétisme) a totalement interdit le fait d’écouter de la musique sur les compétitions hors-stade de course à pied ! Cette dernière est en effet perçue par la Fédération comme une aide pour leurs coureurs, pouvant donc être discriminatoire pour ceux qui n’en bénéficient pas. Qui a dit « music addict », déjà ?
En revanche, une chose est sûre : les vertus de la musique sur notre organisme sont réelles, mais elles dépendent aussi beaucoup de la sensibilité personnelle de chacun, donc pour en optimiser les effets sur notre productivité, il s’agit surtout de trouver son propre équilibre musical.
Et le style musical dans tout ça ?
En voilà une vraie question : est-t-il conseillé de mettre ses classiques à fond dans le casque pour se doper sereinement si l’on veut terminer un projet urgent, par exemple ? Oui, et non. Voici les raisons :
Musique familière, concentration accrue.
Il faut savoir que certaines zones de notre cerveau, celles qui sont liées aux émotions, et qui améliorent les capacités de concentration, s’activent davantage lorsqu’elles sont face à des éléments familiers, et notamment à l’écoute d’une musique que nous avons déjà entendue, ou mieux, que nous connaissons vraiment bien. En effet, l’habitude d’écoute engendrée par un morceau déjà identifié nous permettra donc de mieux nous focaliser sur un autre objet, tandis qu’à l’écoute d’une mélodie inconnue, il nous faudra faire un effort supplémentaire pour nous adapter aux sonorités nouvelles.
La revue Plos One a publié une étude en 2017 qui souligne le fait qu’écouter de la musique dîte joyeuse, la plupart du temps définie comme des « classiques » enjoués et stimulants, permettait souvent d’aider à accomplir des taches impliquant de la créativité, de l’originalité, et de l’inspiration. La théorie principalement avancée dans cette étude est la suivante : la musique dynamique stimulerait le cerveau d’une manière qui favoriserait la flexibilité des pensées, menant à des idées non-conventionnelles ou novatrices. Serait-ce le secret des entrepreneurs et des créatifs ?
En revanche, attention…
Alors oui, après avoir lu cet article, à première vue on se dirait : plus qu’à écouter ses meilleures playlists de hits français pour carburer ! Mais non, ce serait trop simple…
Plus on comprend les paroles d’une chanson, plus on a de chances pour que notre attention s’arrête sur le sens de ces dernières, et donc d’être distrait. Pour pouvoir mieux se concentrer, il faudrait donc privilégier les paroles en langue étrangère, ou mieux, les musiques instrumentales.
Si le jazz ou l’ambiant s’y prêtent tout à fait, il y a toute une catégorie d’instrumentales qui font le job mieux que personne lorsqu’il s’agit de stimuler la concentration, et auxquelles on ne pense pas forcément : les beats, et notamment hip-hop Lo-Fi. Low-tempo et avec des rythmes souvent linéaires, les stimulations sont régulières et permettent donc d’envoyer la juste dose d’énergie pour être à la fois concentré et boosté.
D’ailleurs, au-delà de la concentration, cette typologie de morceaux favorise l’inspiration grâce aux sonorités planantes et vaporeuses qui peuvent s’en dégager. L’inspiration par la musique dépend encore une fois évidemment des affinités, mais certaines catégories musicales, comme les instrumentales « clouds » ou astrales s’avèrent être particulièrement efficaces pour permettre à l’esprit de s’évader.
C’est ce que nous confirme Maxime : quand il a besoin de se concentrer dans l’open space et de passer en mode « automatique » pour travailler efficacement sans trop réfléchir, il met en fond des playlists instrumentales, des Nocturnes de Chopin à Aphex Twin, en passant par du Lo-Fi, il passe souvent les mêmes et les laisse tourner sans réellement y prêter attention.
Mention spéciale, d’après lui, pour les playlists orientées Lo-fi des Bandes Originales de la série animée Cow-Boy Bebop, mines de concentration et d’inspi !
Si l’on suit nos précédentes analyses, le combo parfait (musique familière + absence de paroles) serait alors de se concocter une playlist avec un mélange de beats linéaires types Lo-fi, et d’instrus de ses sons préférés : pas de paroles, un rythme régulier ou familier, la juste dose d’inspiration, et de concentration !
Le dernier enjeu, et pas des moindres, lorsqu’arrive la fin de journée et que l’on sent la fatigue gagner du terrain, c’est la motivation. Le plus efficace à ce niveau-là est de miser sur des morceaux aux grooves explosifs et gorgés de soleil, plutôt mid-tempos (sans tomber dans la playlist « salle de sport », évidemment). Il est important d’avoir toujours sous la main sa playlist plaisir, qui redonne le smile à tout moment, aussi bien dans les transports, qu’au boulot.
Alors la prochaine fois que tu mettras du son à fond dans l’open space, et que ton collègue se permettra une réflexion, n’oublie pas de lui rappeler qui partira plus tôt ce soir !
Noémie Lambert